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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


— Pas de nouvelles, répondit la jeune mère… Non, pas de nouvelles, depuis les grands vents qui eurent lieu à la Toussaint, peu après leur appareillage. Oh ! sans la bonté de M. Tanguy, sans la présence de ma tante Catherine Noton, que j’attends demain, et qui ne m’a quittée que depuis trois jours, je crois que je serais morte de chagrin.

— Ne te désole pas, Anna, reprit la bonne femme, le bon Dieu est pour les braves gens… (Michel, veux-tu laisser ta sœur tranquille). Tiens, regarde, moi qui ai perdu mon fils et ma bru, et qui suis restée seule, à mon âge, pour élever ces deux petits enfants.

— Je sais bien, mère Le Bras ; mais c’est dur tout de même, après trois mois de mariage. Et puis, vous le savez, quoique vous évitiez de m’en rien dire, on parle tant de morts, de blessés, de combats…

Et la pauvre créature se mit à fondre en larmes, sans apercevoir celui qui entrait.

— Encore des larmes, dit une voix affectueuse, mais bien connue ; on n’a donc plus confiance dans la bonté de Dieu, à Houat ? Et pourtant le Seigneur n’abandonne jamais ceux qui espèrent en lui… Allons, du courage, ma pauvre Anna ; Julien, ton mari, reviendra bientôt, j’en ai la ferme assurance… Et la petite ? À la bonne heure, il me semble qu’elle est tout à fait rétablie.

— Oh ! oui, Monsieur le recteur, répondit la jeune femme, un peu consolée ; elle est à peu près rétablie, grâce à vous, à vos remèdes, à vos bons soins ; sans cela…