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FANTÔMES BRETONS


n’allait pas dire ses prières à la croix, par malheur pour lui ; et la lune ne montrait pas sa face pâle au-dessus de la roche du Pâtre.

Bon ! mais qu’allait-il donc faire par là ? Rien du tout, si ce n’est loucher en regardant la porte de la maison de Postek, le meunier du Drollar, et ses pièces de trente sous tour à tour. Oh ! je crois qu’il y serait resté planté comme un menhir si, par hasard, Postek n’eût ouvert sa porte pour voir le temps. Et comme Fanch se tenait bouche ouverte, à trois pas de la porte, le meunier aperçut aussitôt notre imbécile.

— Tiens, qu’est-ce que tu fais par ici, mon failli gas, lui dit Postek, à regarder mon moulin, par un temps de diable rouge. Est-ce que tu voudrais jeter un sort sur ma farine, par hasard ?

— Non, non, Postek, dit le vagabond, ne vous fâchez pas : on sait que vous êtes assez honnête pour un meunier. Mais j’ai trente sous dans ma poche pour vous, si vous voulez…

Le finaud de farinier s’adoucit aussitôt à la pensée de soutirer trente sous, peut-être plus, à Fanch l’innocent, et lui dit :

— Entre ici, mon garçon, la pluie tombe, le moulin chôme, et nous pourrons causer à l’aise.

Nos compères causèrent deux ou trois heures durant : dès neuf heures du soir, la première pièce de trente sous était dans la poche de Postek, et avant onze heures, les deux autres avaient pris même chemin. Finalement voici comme le meunier termina la conversation :