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Heureusement, l’homme était doué d’une remarquable somme de sang-froid et d’esprit d’observation. Sans perdre sa présence d’esprit, il se rapprocha insensiblement du lit, près duquel, sur un guéridon, était posé son pistolet tout chargé. Alors, reprenant peu à peu ses appels, il se prit à défaire lentement le bandage qui entourait sa main blessée. Le fauve suivait attentivement du regard. Sitôt que les premières taches de sang apparurent sur le linge, l’animal se redressa, agita la queue, laissa pendre sa langue et fit mine de se rapprocher. C’était tout ce que voulait le chasseur. Il feignit de n’avoir aucune méfiance, et laissa pendre son bras gauche à la portée de la gueule du tigre. Celui-ci, complètement séduit se remit à lécher la plaie ; puis, l’attrait du sang l’emportant, il ferma les dents sur le poignet de son maître. Il n’y avait plus de doutes à conserver. Celui-ci prit de la main droite le pistolet et, profitant du moment où le monstre, qui venait d’ouvrir un instant la gueule, détournait la tête, introduisit le canon dans son oreille et pressa la gâchette. La mort fut instantanée. Le tigre tomba foudroyé sans reculer d’une ligne. Le chasseur l’avait échappé belle.

On peut voir par ces deux faits qu’il n’est guère possible de conclure a priori. Je pourrais invoquer beaucoup d’autres souvenirs ; l’exiguïté du cadre et la limite que je me suis imposée pour ne point fatiguer le lecteur m’obligent à borner ici