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versa l’esprit et s’y grava profondément avec l’implacable ténacité des résolutions décisives. Il avait à la main un petit jonc qui lui servait de canne. L’élever à la hauteur de l’épaule, horizontalement, et coucher en joue le tigre fut pour lui l’affaire d’une seconde. Le résultat fut immédiat et prodigieux. Le monstre, qui s’était tapi dans l’herbe et agitait déjà sa croupe de ce tremblement qui précède l’élan, s’arrêta net, se dressa sur ses pattes, montra son effroyable gueule dans un rictus démesuré et, finalement, disparut dans le feuillage.

Le petit garçon profita de ce répit pour rejoindre en quelques bonds ses devanciers. Le monstre ne l’eut pas plus tôt vu fuir qu’il franchit le filet d’eau et s’élança à sa poursuite. Mais Eugène, que son heureuse expérience venait d’instruire, se souvint à point de son jonc et de son geste. Une seconde fois, le bâton fut mis en joue et, une seconde fois, le bâgh, plus prudent que courageux, s’éclipsa. Ceci permit aux quatre enfants de trouver un abri dans une cabane. L’instant d’après le son du tam-tam, les clameurs des hommes, les aboiements des chiens mirent le tigre définitivement en fuite.