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et leur inspira du devoir une idée qu’ils n’avaient peut-être pas eue jusque-là.

Soudain un bruit sourd, un grondement rauque s’éleva du milieu des herbes qui bordaient la rive opposée du petit cours d’eau, et les enfants purent voir un tigre gigantesque sortir du feuillage. Il s’avança, la langue rouge et pendante, vers le ruisseau, et y but longuement, avec une évidente volupté. Le vent venait de lui et portait vers les enfants.

Immobiles, cloués par la terreur, ceux-ci n’osaient bouger de leur place. Le monstre ne les avait pas vus. Mais il pouvait les voir d’un instant à l’autre et fondre sur eux. De plus, le jour baissait visiblement et, dans ces régions voisines de l’équateur, le crépuscule est insignifiant. Le soleil tombe d’une seule chute derrière l’horizon et les étoiles lui succèdent sans transition. Certes, le village n’était pas loin, mais il fallait encore qu’il ne fit pas nuit noire pour se guider dans la retraite. Que faire ? À quel parti s’arrêter ?

Ce fut le petit Eugène, dont j’ai parlé, qui, par un acte de virilité bien extraordinaire à cet âge, brusqua la situation et assura le salut de toute la bande. Se plaçant devant ses frères et sœurs, sans hésitation comme sans