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Mais il avait pour lui l’avantage de sa souplesse et de son agilité. Tout-à-coup il prit un essor prodigieux et vint tomber à quinze pas de la mère, menaçant sa croupe. Celle-ci, effrayée, fit volte-face. Alors, d’un second élan aussi étonnant, le tigre, passant par-dessus la tête de son ennemie, s’abattit sur les reins du pauvre veau, lequel, avec une plainte déchirante s’affaissa sous ce choc irrésistible.

Mais le fauve n’eut pas le temps de le tuer.

Un beuglement effroyable, inouï, un cri tel que nous en tremblâmes tous, jaillit de la poitrine de la bufflonne, et dans une course aveugle, elle se rua sur son ennemi.

Le tigre fut pris en défaut.

Il avait lâché le veau et, ramassé, prêt à se défendre, il secouait déjà ses membres postérieurs, prêt à s’enlever pour l’assaut.

Juste en ce moment le bullock arrivait sur lui.

Nous vîmes le félin se dresser et envoyer sur le crâne de la bête son terrible coup de marteau. Malheureusement ses distances étaient mal prises, et l’élan du buffle était tel qu’il annihila la résistance du félin. La position de celui-ci, d’ailleurs, était aussi défavorable que possible. Pris entre le crâne du ruminant et la palissade, il fut littéralement broyé. En vain de ses griffes laboura-t-il le cou et les épaules de la bufflonne ; la tête de celle-ci, roulant comme un pilon vivant, l’aplatit, l’écrasa, en quelque sorte, contre l’obstacle du bois. Ce fut épouvantable. Vomissant le sang à pleine gueule, le malheureux tigre essaya de se soustraire à l’écrasement. Il y parvint une seconde, se dégagea et put gagner de quelques pas dans la direction inverse. Mais cela ne lui servit de rien. Le bullock revint sur lui et, cette fois, lui enfonça les côtes et