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mettait un combat plein d’émouvantes péripéties ; mais nul, dans l’assistance, n’eût osé prévoir un triomphe du ruminant sur le carnassier.

On ouvrit l’une des grilles. Tenu en méfiance par l’expérience précédente, le bâgh se fit prier pour sortir de sa cage. On dut le piquer au travers des barreaux. Mais, une fois debout, et quand il eut d’un coup d’œil envisagé l’arène, il prit résolument son parti. D’un seul bond, il franchit sept ou huit mètres, et vint tomber, avec une légèreté d’oiseau, sur le sable de la piste.

À sa vue, le veau, avec un beuglement d’angoisse, s’élança vers sa mère, tirant à s’étrangler sur la corde qui le retenait au poteau. De son côté, la bufflonne, un instant indécise, fit un pas en avant pour couvrir sa progéniture.

Il s’était fait un silence absolu. On aurait pu entendre les poitrines haleter.

Le tigre bâilla, s’étira, feignit de se rouler dans le sable, s’aiguisa les griffes à la palissade de bambous, puis, se relevant brusquement, décrivit une série de courbes gracieuses qui se fermaient en cercle à l’entour des deux bœufs. Le bullock pivotait sur place, lui présentant toujours ses redoutables cornes, et le félin n’osait risquer une attaque de front.