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ses lauriers antérieurs. De leur côté, les tigres se retirèrent à l’extrémité du cirque et y conservèrent une si piteuse immobilité que les spectateurs, indignés, après les avoir criblés d’injures, essayèrent, en leur lançant des pierres, de les arracher à leur torpeur. Rien n’y fit. Les félins reçurent les projectiles sans broncher, et, quant à l’éléphant, celui-ci se refusa obstinément à aller relancer ses adversaires dans leurs coins. Force fut de relever les grilles des cages que les fauves se hâtèrent de réintégrer prudemment.

Le spectacle paraissait manqué. Un peu honteux, le vieux prince présentait déjà ses excuses à ses hôtes, lorsque l’un des officiers suggéra l’idée de mettre en présence l’un des tigres et une bufflonne sauvage. Cette idée fut agréée sur le champ. On planta un pieu dans l’arène. À ce pieu l’on attacha un jeune veau de quelques mois. Après quoi l’on fit pénétrer la mère, bête superbe dont le large front était garni de cornes gigantesques.

C’était une femelle de bullock, de la grande race qui descend du Sind. Le mufle, court, se terminait à des naseaux fumants. Une écume incessante humectait la bouche. Les yeux, sanglants, roulaient en dessous avec des regards farouches et menaçants. L’encolure, elle aussi très courte, se reliait à un poitrail énorme et dénotait une prodigieuse vigueur dans l’animal. Certes, la vue seule pro-