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patte gauche de devant le corps du chien en écharpe, il le fendit littéralement, du cou jusqu’à la queue, sans le décrocher toutefois, tant est grande la force des mâchoires chez cette race exceptionnelle.

Furieux de la perte de son chien, Blake épaula et tira au jugé. Le tigre fut atteint à l’une des pattes de derrière. Un suprême effort le débarrassa du cadavre pantelant du bouledogue. Alors, il s’allongea dans les arbres, ne voulant pas révéler qu’il boitait. Le second chien, suivi de toute la bande des parias, excités par les coolies, le chargea en ce moment. Mal leur en prit. Le bouledogue fut accueilli par un coup de griffe, qui lui enleva un œil et une oreille. En même temps, quatre de ses acolytes roulèrent sanglants, blessés à mort.

Deux nouvelles balles frappèrent le monstre, abîmant plus ou moins sa magnifique robe. Très affaibli, l’animal recula en grondant. Il essaya de charger les éléphants. Mais ses forces le trahirent. Il tomba sur ses genoux. Steadman cria alors :

— Prenez garde ! Il va ramper jusqu’aux hommes. Je connais ça. Je l’ai déjà vu faire par un autre.

En effet, le bâgh se traînait sournoisement dans les herbes, renonçant provisoirement à la lutte, mais décidé à tuer tout ce qui lui ferait obstacle. Il vint droit à l’éléphant qui nous portait. Le mahout s’en aperçut.

— Va, mon fils ! dit-il doucement à l’animal.

Le pachyderme, plein d’intelligence, recula de