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point de demeure et de lit impunément ; mais comptez que vous dormirez, et persuadez-vous que votre ennui ne sera pas perdu, n’y eut-il que la reconnaissance que j’ai du soin que vous prendrez de vous.

Je suis fâché que nous n’ayons pas eu M. du Deffand pour vingt-quatre heures, cela nous aurait fourni des événements. Je songe que c’est vieillir ses lettres que de répondre à celles que l’on reçoit, parce qu’on ne se souvient plus de ce qu’on a mandé, excepté seulement les articles essentiels.

Voilà qui est surnaturel, et je vous en sais un gré infini : une lettre qui me tombe par la cheminée ! Cela serait plus juste si c’était par le commandeur de Solar, à cause des ramoneurs. Mais enfin, voilà donc une lettre et c’est la troisième ! Ce qui me fâche, c’est que vous me mandez que vous m’avez écrit le jeudi et le vendredi matin, que je n’ai pas reçu ces lettres, et que sans doute l’avenir sera de même. D’ailleurs ces lettres-là ne m’apprendront rien de nouveau sur votre santé : cela ne fait rien, ce seront toujours des lettres de vous.

Je vous ai mandé que c’était mercredi grande fête chez le prince Cantimir[1]. Je donnerai à souper ce jour-là à tout ce qui était à Athis. J’ai reçu un billet de Forcalquier pour aller à Meudon : je compte y aller coucher demain jusqu’à mercredi.

Je vous envoie l’Éloge du cardinal de Polignac que Mairan m’a envoyé : cela vous coûtera peut-être cent francs de port. Ce qui me divertit du style de ces messieurs, car j’y comprends M. de Maupertuis, c’est que l’on voit qu’ils prennent à tâche de temps en temps d’imiter Fontenelle et c’est la patte de l’âne. J’ai trouvé cet ouvrage-ci d’un homme peu accoutumé à écrire et qui n’a pas de style, mais pourtant on y voit de temps en temps un homme qui pense. Pour les Discours de l’Académie, je ne sais ce qu’ils sont devenus, et puis ce n’est pas moi que vous avez chargé de vous les envoyer.

En recherchant hier mes paperasses, je retrouvai un Recueil de poésies de M. de Nevers. Ces quatre vers sont assez moraux :

  1. « Mercredi dernier, 11 de ce mois (juillet 1742), il y eut une fête chez M. le prince de Cantimir, ambassadeur de Russie, à l’occasion du couronnement de l’impératrice russienne ; il y eut un grand diner, où il n’y avait que des hommes, et le soir une grande illumination et un bal en masque. » (Duc de Luynes, t. IV, p. 190.) (L.)