Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venait de recevoir une lettre de son mari, par laquelle il lui mande que les Autrichiens sont vis-à-vis d’eux. Ainsi nous aurons nouvelle d’une action ou d’une retraite. On ne sait quel parti prend le roi de Pologne ; il paraît pourtant qu’il ne nous abandonne pas encore. Il fait, dit-on, marcher vingt mille hommes, et il offre d’y en joindre quinze autres que nous payerons, sous la condition que quand ces trente-cinq mille hommes auront joint M. de Broglie, on marchera sur-le-champ aux Autrichiens, pour décider cette trop longue querelle. Cependant tous les écrits publics sont remplis du mépris de nos armes ; et, pour le fait, les Anglais viennent de nous brûler cinq galères espagnoles dans un de nos ports de Provence. Leur but, c’est de nous insulter à tel point qu’ils nous fassent agir contre eux, parce qu’alors les Hollandais (avec lesquels ils ont traité de ligue défensive) ne pourront s’empêcher de se déclarer. Une autre insulte plus marquée, c’est qu’ils ont arrêté un bâtiment qui portait trois cents Français qui allaient relever le régiment de l’Auxerrois qui était dans Monaco, et qu’ils ont refusé de les rendre.

Madame de Luynes me prit hier à part, et me dit qu’elle n’avait pas le courage de demander un congé pour monsieur votre frère, et qu’elle vous avait écrit pour savoir votre dernière résolution. Je lui dis que vous n’en aviez point d’autre que de demander un congé, parce que monsieur votre frère n’était pas en état de se remuer, et qu’il fallait qu’il commençât par se guérir avant de pouvoir faire son métier.

M. de Luynes me dit que l’on se préparait à un voyage de Dampierre. Je le priai bien de me faire avertir. M. d’Argenson, qui s’était joint à nous, fut aussi invité, et puis les grands partirent bien vite pour aller trouver M. de Bayeux qui était arrivé à Versailles le matin, couvert des lauriers de Toulouse[1].

Au moment que je vous écris, il fait un tonnerre affreux. Mademoiselle de Tourbes est mieux, et Silva commence à croire qu’elle n’en mourra point. On n’a point encore de nouvelles de la mort du vicomte de Rohan. Le prince Cantimir

  1. Paul d’Albert de Luynes, évêque de Bayeux, frère du duc, auteur des Mémoires, était allé a Toulouse solliciter le jugement d’un procès important engagé contre madame de Caylus. « Il s’agissait, dit le duc, de terres en Languedoc faisant partie de la donation faite par madame de Saissac à M. de Grimberghen et par M. de Grimberghen à mon fils. » (Mémoires, t. IV, p. 176.) (L.)