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THÉOPHILE GAUTIER.

avons fait la campagne de Kabylie et qui nous a suivi pendant tout notre voyage, frissonnant déjà de la maladie qui l’a emporté ! »

Cette phrase, fort innocente en elle-même, et qui signifiait simplement que si Chaudesaigues n’avait eu pour vivre que le prix dont les éditeurs auraient payé ses vers, il eût risqué de mourir de faim, cette phrase ne plut pas au directeur de la Presse. À la Chambre même des Députés dont il faisait partie, pendant la séance, « en toute hâte, entre deux discours, l’un de M. Roger, l’autre de M. Billault », il prit sa bonne plume, qui pour être infatigable n’en était pas meilleure, et il tança Gautier. La réponse du publiciste au poète n’eut rien de mystérieux, elle fut sans discrétion ni courtoisie, comme celui qui l’avait écrite, et chacun put la lire dans la Presse du 2 février 1847. Après s’être étonné que Théophile Gautier n’eût point « été préservé de l’écueil du lieu commun par la tendance au paradoxe qui lui est naturelle », Émile de Girardin proclame cette vérité : « Qui ne voit que le but et ne regarde pas le point de départ compte pour rien la distance placée entre les deux extrémités ; c’est l’erreur dans laquelle tombent les envieux. » S’il y eut au monde un homme qui jamais ne connut l’envie, c’est Gautier, c’est le bon, c’est le bienveillant Théo, je le dis en passant, et Girardin ne le pouvait ignorer.

Celui-ci continue à morigéner ; il cite le soldat Jean de Dieu Soult élevé à la dignité de maréchal de France et de duc de Dalmatie ; il montre l’ouvrier