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LE CRITIQUE.

Gautier voulait bien le recevoir et l’honorer de quelques avis. Tous ceux dont on peut prononcer le nom, à quelque titre que ce soit, l’adjurent de ne pas leur refuser « deux ou trois lignes, pas plus » ; tous les gens qui désirent aller au théâtre sans bourse délier, — ce qui est la manie des personnes riches, — lui demandent des billets de spectacle : « Ça vous est si facile ».

Et l’acteur, celui qu’il a défini dans son étude des Grotesques sur Scudéry : « l’homme qui n’exprime que des pensées étrangères aux siennes, qui vit de l’amour et de la passion qu’on lui fait, qui n’a pas un soupir qui ne soit noté d’avance, pas un mouvement qui ne soit artificiel », n’est pas moins âpre à la « réclame » : cela doit se dire ainsi. La louange, si outrée qu’elle soit, peut-elle le satisfaire et correspondre à l’opinion qu’il a de lui-même ? Jamais. À cet égard, j’ai trouvé, dans les débris de correspondance que Gautier a laissés après lui, un témoignage qui a de la valeur et qui démontre jusqu’où peut aller l’exigence de certaines illusions. À la suite d’une reprise de Robert Macaire, Théophile Gautier avait fait un rendu compte succinct dans lequel il parlait de Frederick Lemaître avec éloges, mais sans cependant le comparer aux héros de Plutarque ; un écrivain, plus jeune que lui, mais qui le traitait un peu trop en camarade, sans tenir compte de la différence d’âge et de talent, lui adressa une lettre dont certaines parties doivent être citées textuellement : " Mon cher ami, j’ai vu hier Frederick Lemaître qui est très affecté