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THÉOPHILE GAUTIER.

dire plus, qui assaillent le critique, l’homme infortuné, toujours tiraillé, toujours assiégé, qui distribue la réputation, a ses entrées dans la direction de tous les théâtres, peut par ses éloges faire vendre une œuvre d’art et n’a, pour cela, qu’un coup de plume, un simple coup de plume à donner. Si je pouvais faire passer sous les yeux du public les liasses de lettres que j’ai eues entre les mains, on verrait que jamais favori de reine ou ministre tout-puissant ne fut plus harcelé de sollicitations que ce malheureux Gautier. Il n’est pas un peintre, un sculpteur, un acteur, un vaudevilliste, un acrobate, un dresseur de chevaux savants qui ne lui écrive pour réclamer son appui. On l’appelle : cher et illustre maître ou simplement : cher monsieur Gauthier, avec l’h irritante ajoutée à ce nom si célèbre. On lui demande de venir à l’atelier voir le tableau ou la statue destinée au prochain Salon ; les refusés veulent que l’on prenne les dieux et les hommes à témoin de l’injustice dont ils sont victimes. Les plus hautains, ceux qui font métier d’indépendance, qui plus tard jetteront bas les trophées de notre histoire, s’inclinent aussi bas, plus bas que les autres. Courbet lui écrit : « Si je fais de l’art, c’est d’abord pour tacher d’en vivre, ensuite c’est pour mériter la critique de quelques hommes tels que vous, qui jouiront d’autant mieux de mes progrès qu’ils auront apporté plus de sollicitude à me guérir de mes travers. » Il se plaint d’être mal placé au Salon et voudrait que son tableau « tombât plus à portée de l’Œuil nud » ; il serait heureux si