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THÉOPHILE GAUTIER.

expliqué le sujet de la Trompette du jugement dernier, Gautier ait écrit : « Il semble que le poète, dans cette région où il n’y a plus ni contour, ni couleur, ni ombre, ni lumière, ni temps, ni limite, ait entendu et noté le chuchotement mystérieux de l’infini[1]. »

Théophile Gautier termine son Rapport en disant : « Quelle conclusion tirer de ce long travail sur la poésie ? Nous sommes embarrassé de le dire. Parmi tous ces poètes dont nous avons analysé les œuvres, lequel inscrira son nom dans la phrase glorieuse et consacrée : Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset ? Le temps seul peut répondre. » Le temps n’a pas encore répondu et le jugement de la postérité n’a pas été rendu. Quant aux trois poètes compris « dans la phrase glorieuse et consacrée », leur renommée demeure également grande : aussi bien avaient-ils une part semblable de génie. Le don naturel de Lamartine est égal à la magnificence d’Hugo qui ne le cède pas à l’humaine sincérité de Musset.

Les Grotesques et le Rapport sur les progrès de la poésie sont, en matière de critique, les deux œuvres

  1. Dans ce même Rapport Théophile Gautier a écrit ; « On a remarqué que Victor Hugo, le grand forgeur de mètres, l’homme à qui toutes les formes, toutes les coupes, tous les rythmes sont familiers, n’a jamais fait de sonnets ; Goethe s’abstint aussi de cette forme pendant longtemps, ces deux aigles ne voulant sans doute pas s’emprisonner dans cette cage étroite. Cependant Goethe céda, et tardivement il composa un sonnet qui fut un événement dans l’Allemagne littéraire. » Depuis lors, Victor Hugo a imité Goethe ; lui aussi il a fait un sonnet — un seul — et il l’a dédié à Judith Gautier, qui est, nul ne l’ignore, la fille de Théo.