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LE CRITIQUE.

fibres les plus profondes, le cœur de ceux qui aiment la poésie.

Dans l’œuvre de Victor Hugo, ils représentent une œuvre excessive où les défauts même deviennent des qualités, où le manque de mesure donne à l’ensemble une force cyclopéenne, où les mots semblent acquérir tout à coup des significations plus précises, plus hautes, plus grandioses, tant ils sont employés avec art et jetés avec puissance. Ce livre est sans précédent ; néanmoins on peut en retrouver l’embryon dans les Burgraves, qui eussent été un admirable poème, s’ils n’avaient été un drame mal conçu où l’action disparaît sous les discours. Pour ma part, je ne sais rien de plus beau, dans la poésie française, que ces « petits poèmes épiques, mais concentrés, rapides, réunissant en un bref espace le dessin, la couleur et le caractère d’un siècle ou d’un pays ».

Là, Victor Hugo a inauguré une nouvelle manière, plus large, plus humaine que celle des Orientales et des Feuilles d’automne. Il n’est pas, comme Dante, revenu de l’Enfer, mais il a parcouru les catacombes des religions et de l’histoire, il y a découvert les trésors cachés, les a étalés au jour et a fait à la France littéraire le plus beau cadeau qu’elle ait jamais reçu. Tout cela Gautier le dit en termes excellents. Quelque admirative qu’elle soit, la note est juste, car la louange peut à peine s’élever à la hauteur de l’œuvre qu’il s’agit de signaler. Aussi ne suis-je pas étonné qu’après avoir brièvement