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THÉOPHILE GAUTIER.

nouvelles ; il est parti comme une étoile qui disparaît avant d’avoir épanoui tous ses rayons.

C’est ainsi que tous les poètes défilent devant nous, l’un après l’autre, plutôt selon la fantaisie de l’écrivain que par ordre chronologique, tous désignés par leur œuvre maîtresse et marqués d’un mot juste qui a la valeur d’un signalement : les satiriques, comme Amédée Pommier, qui fut un versificateur singulièrement vigoureux ; les macabres, comme Baudelaire, qui anticipe sur le pessimisme à la mode aujourd’hui et qui forge d’admirables vers pour célébrer les laideurs morales de l’humanité ; les précieux, comme Joséphin Soulary, qui sculpte ses sonnets dans la transparence des sardoines ; les nostalgiques, comme Lacaussade, qui regrette le pays créole où s’est écoulée son enfance, et tant d’autres qui ont essayé d’oublier les choses de la terre en écoutant, en répétant les voix d’en haut. Il n’oublie personne, pas même l’auteur des Chants modernes à qui sa bienveillance et son amitié donnent, avec douceur, une leçon méritée.

Au cours de cette rapide histoire de la poésie moderne, la justesse de son esprit se double de perspicacité : il devient prophète. Que l’on n’oublie pas que ce qui suit a été écrit en 1867, c’est-à-dire il y a vingt-trois ans : « Quoique Sully Prudhomme, dit-il, restreigne habituellement ses sujets en des cadres assez étroits, son pinceau est assez large pour entreprendre de grandes fresques. Les Étables d’Augias, qu’on peut lire dans le Parnasse contemporain, sont