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THÉOPHILE GAUTIER.

En parlant de Leconte de Lisle et en louant, ainsi qu’il convient, ces vers coulés dans le plus pur métal, en le considérant « comme une des plus fortes individualités poétiques qui se soient produites dans cette dernière période », il approuve ceux qui s’ingénient à l’imiter, « car, dit-il, celui qui n’a pas été disciple ne sera jamais maître et, quoi qu’on en puisse dire, la poésie est un art qui s’apprend, qui a ses méthodes, ses formules, ses arcanes, son contrepoint et son travail harmonique ». C’est, en d’autres termes, l’opinion que Gautier a souvent exprimée en ma présence : « Quiconque n’a pas commencé par imiter ne sera jamais original. » Cette opinion absolument sincère, émise par un homme dont l’originalité n’est pas discutable, m’a toujours étonné.

Les Poèmes antiques de Leconte de Lisle appellent, par une transition naturelle, la pensée de Théophile Gautier sur Melænis, poème dont le sujet est emprunté à la Rome des Césars et qui est digne des éloges qu’il lui décerne. Louis Bouilhet fut un poète, en effet, un poète dans la forte acception du mot, à ce point que la prose lui répugnait et que le vers était pour lui une sorte de contrainte à laquelle il ne pouvait se soustraire. Toute sa vie, il fut tiraillé entre deux penchants qui se contredisaient en lui et que jamais il ne parvint à mettre d’accord. Son goût, je dirai même sa passion, l’entraînait vers l’école romantique et l’y maintenait, tandis que son instruction était essentiellement classique. J’ai été inti-