est allé avant d’avoir donné ce qu’il avait promis, d’autres se cachent derrière les plis d’un voile qui ressemble à un linceul ; au-dessus de quelques-uns je vois encore l’auréole dont ils étaient environnés aux premiers jours de leur renommée. Le trait dont Gautier les marque fait saillir leur effigie et dégage, avec une rare sagacité, le caractère propre de leur talent. Je les reconnais ; ils sont bien tels que je les ai vus jadis : voilà Théodore de Banville, dont « les idées, comme les princesses des féeries, se promènent dans des prairies d’émeraude, avec des robes couleur du temps, couleur du soleil et couleur de la lune » ; voilà le marquis de Belloy, de forme élégante, mais quelque peu nuageuse, comme si sa pensée s’amincissait sous le tissu des mots choisis ; et son frère de lettres, le comte de Gramont, qui dans ses Chants du passé allie la tenue correcte du gentilhomme à la hauteur des convictions inébranlées, et Pierre Dupont, dont les couplets furent célèbres lorsqu’il chantait les Bœufs et dont les refrains furent insupportables lorsque les voix avinées braillaient : Les peuples sont pour nous des frères. Il fut applaudi, il fut illustre, il put se croire, comme on le lui disait, « le Béranger de son temps » ; hélas !
Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus.
« L’ombre, dit Théophile Gautier, descendit sur le front où la popularité semblait avoir posé un laurier éternel. »