Page:Du Camp - Théophile Gautier, 1907.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
THÉOPHILE GAUTIER.

non seulement nombreux, mais puissants, dans la place, et que, malgré son agilité, sa vaillance et sa force, il ne parvenait pas à rendre coup pour coup. Et puis ne pouvait-il pas dire, comme le poète Feuchtersleben : « J’ai toujours détesté la médiocrité ; c’est pourquoi, au cours de ma jeunesse, je me suis souvent pris de haine pour la modération. » À cette époque, on assimilait volontiers Paul Delaroche à Casimir Delavigne. Sans être irrespectueux envers leur mémoire, on peut reconnaître qu’ils manquaient, l’un et l’autre, de cette originalité et de cette exagération voulues que le romantisme exigeait de ses disciples. Plus tard, en 1858, deux ans après la mort du peintre, Gautier fit amende honorable : « Autrefois, dit-il, nous avons assez rudement malmené Paul Delaroche. C’était à une époque où la polémique d’art se faisait à fer émoulu et à toute outrance[1]. »

Les expositions de beaux-arts ne se produisant qu’une seule fois par an, c’était le feuilleton dramatique, toujours alimenté par l’incessante production des théâtres, qui allait être la plus exigeante occupation de Théophile Gautier. Avant de la lui confier, la Presse avait fait diverses tentatives qui ne parurent pas heureuses. Voulant renouveler ce genre de critique fort alourdi par les méthodes, pour ainsi dire pédagogiques, que Geoffroy, Hoffmann,

  1. Voir Th. Gautier, Portraits contemporains, 1 vol.  in-16, 1886, Charpentier, p. 291 et suiv.