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THÉOPHILE GAUTIER.

était trop tard et il s’aperçut qu’il avait changé son louis d’or contre la monnaie de billon. Toute révérence gardée, comme disent les paysans, je comparerais volontiers Célestin Nanteuil à Théophile Gautier. La même fatalité a pesé sur leur existence ; celui-ci était peintre, celui-là était poète. L’un et l’autre ont dû consacrer le meilleur de leur temps à des besognes — les illustrations, le feuilleton — qui les ont empêchés de donner à leurs œuvres toute l’ampleur que leur talent comportait. Malgré les lancinements de la vocation, le temps et le loisir ont manqué à tous deux : à Célestin Nanteuil pour ne faire que des tableaux ; à Théophile Gautier pour ne parler qu’en vers. L’art y eût gagné et la France aussi : mais le pain ne peut attendre.

Dans l’intimité du Cénacle, on appelait Célestin Nanteuil ; le capitaine ; non pas qu’il eût porté la double épaulette d’or et le sabre d’ordonnance ; fi donc ! entre initiés on n’admettait que les lames authentiques de Tolède, les cottes de mailles de Milan, les poignards ciselés par Benvenuto Cellini ; mais à toute autre arme on eût préféré :

Notre dague de famille ;
Une agate au pommeau brille
Et la lame est sans étui.


Donc nul service militaire à l’actif de Célestin Nanteuil ; son surnom néanmoins était mérité et constatait la vaillance déployée sur les champs de