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THÉOPHILE GAUTIER.

commandable, obtenir le grand prix de Rome c’était être marqué d’une tache indélébile ; les tableaux de Paul Delaroche étaient dignes, à peine, de figurer en guise de devant de cheminée, et Cortot n’avait jamais su mettre « un bonhomme » sur ses pieds. En sculpture, on préconisait Auguste Préault, qui, disait-on « modelait des idées » ; en deux mots, c’était un fort bon garçon, très spirituel, auquel il n’a jamais manqué que de savoir son métier. En peinture, Eugène Devéria avait ressuscité et éclipsé Paul Véronèse, ainsi que le prouvait alors et ne le prouve plus aujourd’hui sa Naissance de Henri IV ; quant à Louis Boulanger, qui était un ami particulier de Victor Hugo, ce n’eût pas été assez de Tintoret et d-e Titien pour lui préparer sa palette. Ceux-là étaient les dieux de l’art nouveau : dieux éphémères qui n’ont point mouillé leurs lèvres au breuvage qui rend immortel.

Parmi les néophytes dont ils étaient l’idole, je dois nommer Célestin Nanteuil, que j’ai côtoyé jadis, lorsque déjà l’âge l’avait touché et qui fut une des âmes les plus charmantes que j’aie rencontrées. Aux environs de 1830, lorsque l’on était en pleine mêlée romantique, c’était un grand jeune homme blond, d’une exquise douceur malgré l’énergie de ses convictions, rêvant, lui aussi, de renouveler la peinture, et si parfaitement « moyenâgeux », qu’il a servi de type à Théophile Gautier pour le personnage d’Elias Wildmanstadius des Jeune-France. C’eût été un peintre, il ne le fut pas. Le « item faut vivre »