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THÉOPHILE GAUTIER.

tueuse et qui rompait avec elles au troisième manque de respect à la grammaire française. Ce qui rend les correspondantes de Gautier excusables, c’est qu’il eut toujours une certaine propension à les choisir parmi les étrangères.

Plaisirs tapageurs, comme il convenait à l’époque, amourettes de passage, ce n’étaient là que des divertissements sans conséquence, des intermèdes à la vie intellectuelle qui suivait son cours et à laquelle Gautier apportait la curiosité encyclopédique dont il avait été doué. Les artistes et les écrivains, mêlés ensemble, se complétaient ; la plastique et la réflexion se fortifiaient l’une par l’autre. Il n’est question d’art, de philosophie, d’histoire, de poésie qui ne soit agitée dans « le Cénacle », c’est-à-dire dans le groupe des jeunes gens partisans des idées nouvelles et dont la hardiesse faisait éclater les règles admises auxquelles ils refusaient de se soumettre. Les discussions s’en allaient à l’aventure, au gré d’un mot prononcé, au hasard d’une controverse inopinée. Je disais à Théo : « De quoi s’occupait-on dans le Cénacle ? » il me répondit : « De tout, mais je ne sais guère ce que l’on disait, parce que tout le monde parlait à la fois. » La violence du langage était sans pareille et les historiettes de « haulte graisse » ne semblaient jamais déplacées : Rabelais n’était-il pas l’excuse et l’exemple ? On rêvait d’incendier l’Institut et de pendre quelques vieux poètes tragiques qui ne demandaient cependant qu’à mourir en paix. On se moquait de la vieillesse dans la cham-