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THÉOPHILE GAUTIER.

elle ne rejettera plus. Ces journées, si imprudemment provoquées, non seulement sans moyen d’attaque, mais même sans ressources de défense, exercèrent une influence considérable sur les arts de l’époque. Elles délivrèrent les esprits en les surexcitant, aidèrent à briser la routine et rompirent brutalement la porte que le romantisme, malgré les chaudes soirées de Hernani, n’avait fait qu’entr’ouvrir. Quelques amants de la muse classique, guidés par des maîtres dont la jeunesse se détournait, Brifaut, Arnault, Parseval de Grandmaison, Baour-Lormian, de Jouy, Viennet ; restaient fermes à leur poste, mais se bouchaient les oreilles et les yeux pour ne pas entendre, pour ne point lire, ne comprenant rien aux tentatives des écrivains et des artistes, s’imaginant que tout était perdu parce que l’on cherchait d’autres formes que celles qu’ils aimaient. Dans ce grand mouvement de rénovation intellectuelle, ils ne voyaient qu’une invasion de barbares par laquelle toute civilisation allait être broyée.

L’heure était bonne pour Théophile Gautier d’entrer de plain-pied dans l’école romantique. On eût dit que la révolution de Juillet avait trempé le pays dans un bain d’eau de Jouvence ; tout le monde était jeune alors, du croyait l’être ; néanmoins il convenait d’être fatal et maudit, et on l’était de bonne foi, en repos de conscience, avec une conviction qui n’empêchait pas de s’amuser. C’était l’heure des Jeune-France ; Gautier les a turlupinés de belle sorte ; car, malgré la sincérité de son romantisme, il n’a jamais