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THÉOPHILE GAUTIER.

gistrats qui sont établis pour maintenir l’ordre dans cet État devraient mourir de honte en souffrant un scandale aussi intolérable. » Charles X écouta, avec sa politesse accoutumée, les lamentations de ces braves gens, et leur répondit, non sans esprit : « En pareille occurrence, je n’ai d’autre droit que celui de ma place au parterre. »

J’ai, du reste, entendu dire par un ancien très haut fonctionnaire de la Restauration que l’on n’était point fâché aux Tuileries du tumulte suscité par la pièce nouvelle, qui détournait l’opinion publique de préoccupations déjà inquiétantes. De l’opinion publique, Théophile Gautier ne se souciait guère : il était à Hernani, à Victor Hugo ; il s’était donné d’un élan irrésistible, tout entier, sans idée de retour ; il ne se reprit jamais, jusqu’à la dernière heure il resta dévoué au dieu de sa jeunesse ; lorsque la mort, si cruellement empressée, lui arracha la plume des mains, il écrivait et laissa inachevé un article intitulé Hernani. Les dernières lignes sont consacrées à Mme de Girardin : « Ce soir-là, ce soir à jamais mémorable, elle applaudissait comme un simple rapin entré avant deux heures, avec un billet rouge, les beautés choquantes, les traits de génie révoltants… » La phrase est interrompue par la grande faucheuse dont l’œuvre ne s’interrompt jamais.

Cette soirée « à jamais mémorable « est une date importante dans la vie de Gautier : c’est l’étape initiale d’où il est parti pour parcourir la longue route de labeur qui n’eut point de halte, et sur laquelle il