artistes et des lettrés : la préface de Cromwell avait formulé une théorie révolutionnaire que l’on rêvait de mettre en pratique. L’heure n’allait pas tarder à sonner où l’on serait déclaré « cagou et marmiteux » si l’on ne rugissait pas d’horreur au seul nom de l’Institut.
C’est dans ce milieu bruyant, généreux et hardi que la vocation littéraire fit signe à Théophile Gautier : laisse là tes pinceaux et suis-moi ; là sa destinée encore obscure s’éclaircit tout à coup ; un incident fit jaillir la lumière. Au collège Charlemagne, Gautier s’était lié d’une amitié que rien n’a jamais distendue, avec Gérard Labrunie, qui devait être Gérard de Nerval. À cette époque — c’est-à-dire au début de l’année 1830 — Gérard, à peu près inconnu de la masse du public, était célèbre dans un groupe de jeunes hommes que les choses de l’art avaient séduits ; parmi ses camarades de classe, il était illustre, car à dix-sept ans, encore sur les bancs de la rhétorique, il avait publié un volume de poésies, intitulé : les Élégies nationales, qui n’avait point passé inaperçu ; à dix-huit ans, il donnait sa traduction de Faust à propos de laquelle Goethe lui écrivit : « Je ne me suis jamais mieux compris qu’en vous lisant. » Il y avait de quoi faire tourner une si jeune tête, mais Gérard était déjà doué de cette modestie qu’il poussa parfois jusqu’à l’humilité. C’était alors une nature charmante, un peu excentrique malgré son extrême douceur. On lui promettait toutes les couronnes que la renommée jette aux