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THÉOPHILE GAUTIER.

l’esprit et comme pour échapper aux obsessions du moment, il se reportait par la pensée aux heures de la jeunesse ; il fouillait le cimetière de sa vie passée, et au milieu de la cendre des souvenirs il découvrait des bijoux, ainsi qu’il en a trouvé dans la tombe d’Aria Marcella.

Sa vie avait été faite de déceptions, et la plus amère fut peut-être de savoir qu’il devait sa célébrité plus à ses feuilletons qu’à ses poésies. N’est-ce pas cela qu’il a voulu dire, lorsque, parlant de lui-même, il a écrit : « Ce poète qui doit à ses travaux de journaliste la petite notoriété de son nom, a naturellement fait des œuvres en vers » ? Tous ses rêves s’étaient évanouis les uns après les autres ; il restait en présence de la vieillesse qui s’approchait, travaillant toujours, mais affaibli déjà par un mal encore ignoré. Parmi les désirs qu’il avait formulés, un seul subsistait. Il eût voulu être de l’Académie française, où son talent d’écrivain, sa connaissance profonde de la langue, avaient, depuis tant d’années, marqué sa place. Il était fatigué et surpris de faire un si long stage sur cet illustre quarante et unième fauteuil où Balzac et Alexandre Dumas, deux grands novateurs de lettres, s’étaient assis avant lui. Trois fois déjà il avait frappé aux portes rebelles. Le 2 mai 1866, il se présente pour succéder au baron de Barante, le père Gratry est élu ; le 7 mai 1868, il sollicite la place laissée vacante par la mort de Ponsard, on lui préfère Autran ; le 29 avril 1869, il se porte candidat à l’élection destinée à remplacer Empis : après