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THÉOPHILE GAUTIER.

l’étiage de la célébrité, le nom de Théophile Gautier se maintiendra à une bonne hauteur, le premier peut-être après celui de Musset, de Lamartine et de Victor Hugo. En tous cas, les vers de Gautier partagent avec ceux de Musset une qualité de premier ordre : seuls, de leur époque, ils ne sont point entachés de rhétorique.

Pour peu que l’on ait eu quelque tendresse dans les sentiments, on garde au fond du cœur une sorte de chapelle sépulcrale où vivent encore ceux qui ne sont plus et que l’on a aimés. Tout embaumés dans les parfums du souvenir, ils apparaissent dès qu’on les évoque, répondent lorsqu’on les interroge et semblent ressaisir réellement leur ancienne existence, pour la partager avec nous, tant leurs pensées se mêlent aux nôtres, tant ils excellent à ressusciter les choses passées que nous avions cru mortes. C’est une apparition : si l’on ferme les paupières, on s’imagine les voir avec leurs gestes familiers, leur attitude, leur démarche ; si l’on prête l’oreille, on croit les entendre. Parmi ceux qui habitent ma nécropole intérieure, si peuplée, hélas ! et où dorment tant d’êtres qui me furent chers, Théophile Gautier est un de ceux que j’appelle le plus souvent pour parler des temps écoulés et de nos amis communs près desquels il dort aujourd’hui.

Plusieurs que j’ai connus et qui ont partagé l’affection que je lui avais vouée, étaient des hommes et non des demi-dieux. J’ai vécu près d’eux et je les ai jugés en contemporain, car entre eux et moi le