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LE POÈTE.

l’on ne contestera pas l’art et la science d’écrire, la connaissance des élégances exquises, la grâce et l’habileté, a proclamé une vérité éclatante, lorsqu’il a dit, dans ses Souvenirs d’enfance : « La règle fondamentale du style est d’avoir uniquement en vue la pensée que l’on veut inculquer, et par conséquent d’avoir une pensée. » C’est la glose de la phrase écrite par Balzac dans Un Prince de la Bohème : « Le style vient des idées et non des mots. »

Chez Gautier, l’idée se créait enveloppée de sa forme, toute vêtue pour ainsi dire ; les deux opérations de l’esprit étaient simultanées : c’est pourquoi il écrivait sans se corriger et presque toujours sans se relire ; il n’avait qu’à écouter sa propre dictée. Son esthétique, peu compliquée, consistait à exprimer de son mieux ce qu’il avait conçu. Par elle-même, la littérature lui paraissait un art complet, émancipé de toute ingérence philosophique, politique et sociale. Il repoussait énergiquement tout le fatras de la métaphysique où George Sand s’est souvent embrouillé, dédaignait, comme inférieur, le roman dit à tendances et affirmait, par ses préceptes comme par son œuvre, que l’on ne doit pas chercher les éléments d’une production littéraire ailleurs que dans sa propre imagination. Il avait, comme chacun, des préférences pour telle ou telle façon de concevoir et de pratiquer l’art des lettres, mais il avait l’esprit trop éclairé pour n’être pas éclectique. Il admirait le beau là où il le rencontrait, il ne s’avisait pas de lui demander son extrait de baptême et lui souhaitait