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THÉOPHILE GAUTIER.

élague sa phrase, et transpose avec netteté ce qu’il a vu et ce qu’il a rêvé. Il en arrive à supprimer presque complètement les métaphores : on dirait que l’appareil des comparaisons lui semble trop compliqué. Il les remplace par le mot faisant image, attiré, à son insu, vers la simplicité qui est le propre des écrivains de race et d’expérience. Être simple, c’est, je crois, le meilleur moyen d’être compris du public, et c’est ce que cherche tout auteur sincère, quoique quelques-uns aient prétendu, ou voulu prétendre, qu’ils n’écrivaient que pour un nombre restreint de lecteurs. Joubert donnait un conseil excellent à M. Molé, lorsque, à la date du 21 octobre 1803, il lui disait : « Songez à écrire toujours de sorte qu’un enfant spirituel pût à peu près vous comprendre et qu’un esprit profond trouvât chez vous à méditer. » En somme, être compris de tout le monde, c’est l’ambition des écrivains ; ceux qui disent ne s’en soucier, font supposer qu’ils ne sont pas de bonne foi.

La forme ! je sais ce que Bridoison en pense ; néanmoins c’est une grave question que l’on a souvent agitée, précisément à propos de Théophile Gautier, à qui l’on a reproché, sans motif bien sérieux, d’y avoir trop sacrifié. On lui a imputé à défaut une qualité qui lui était naturelle et qu’il a développée par l’étude ou, pour mieux dire, par l’exercice même de son art. Il avait sa forme, bien à lui, exclusive pour ainsi dire ; il l’a perfectionnée tant qu’il a pu ; il l’aimait, ne s’en cachait pas, mais