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LE POÈTE.

l’état permanent, que chez lui : je veux parler de la correction grammaticale. Que l’on ne se récrie pas : être respectueux envers la grammaire est pour un poète un fait exceptionnel. Les plus grands parmi les classiques et parmi les romantiques en prennent fort à leur aise ; sous toute sorte de prétextes plus plausibles que réels, ils abordent résolument les fautes de syntaxe, qu’ils baptisent du nom de licences poétiques. L’accord des temps leur est particulièrement désagréable, et quand ils sont embarrassés par un subjonctif, ils ont promptement fait de le remplacer par un solécisme. C’est admis, ou du moins toléré, et ils ne sont point nombreux, ceux qui se sont refusés à ces écarts que sollicite souvent la contexture même du vers et que la prose d’aujourd’hui montre quelque propension à adopter. À cet égard, Théophile Gautier ne se dément jamais ; il garde, vis-à-vis de lui-même, une sévérité que sa connaissance approfondie de la langue française lui rendait peut-être facile, mais qui n’en doit pas moins être signalée. Cela tient surtout à ce qu’il attachait une haute importance à la forme et qu’il ne comprenait pas la forme sans la correction.

Cette préoccupation de la pureté du style est constante chez Gautier ; elle le domine et ne l’abandonne jamais ; elle apparaît aux premières heures du début, dans sa prose plantureuse, dans ses vers parfois excessifs, et on la retrouve, impérieuse et obéie, lorsque, parvenu à la grande maîtrise, il