Page:Du Camp - Théophile Gautier, 1907.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
THÉOPHILE GAUTIER.

plus que dans sa prose, Gautier n’a conservé en vieillissant que la vigueur et l’originalité dont elles étaient l’indice.

Toutes les pièces d’Émaux et Camées sont composées avec un art maître de soi, que nulle surprise ne peut dérouter et pour qui la poésie n’a pas de secret. Elles sont construites selon un plan déterminé dont l’auteur ne s’écarte pas ; la rime, si difficile qu’elle puisse se présenter, ne l’entraîne jamais hors de la voie qu’il s’est tracée, car il la force à obéir, et elle obéit, venant, à point nommé, compléter sa pensée, selon la forme voulue et le rythme choisi. Mérite peu commun, et que seuls peuvent apprécier les bons ouvriers de l’art des vers. Dans ce volume, plus qu’en tout autre peut-être, Théophile Gautier a mis en pratique la théorie qu’il a développée avec tant de raison, lorsque, parlant des Stances et Poèmes de Sully Prudhomme, il a dit : « Les moindres pièces ont ce mérite d’être composées, d’avoir un commencement, un milieu et une fin, de tendre à un but, d’exprimer une idée précise. Un sonnet demande un plan comme un poème épique, et ce qu’il y a de plus difficile à composer, en poésie comme en peinture, c’est une figure seule. Beaucoup d’auteurs oublient cette loi de l’art, et leurs œuvres s’en ressentent : ni la perfection du style, ni l’opulence des rimes ne rachètent cette faute. »

Dans ses poésies, aussi bien dans celles de la jeunesse que dans celles de l’âge mûr, Gautier a une qualité rare, si rare que je ne la rencontre, à