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THÉOPHILE GAUTIER.

gnerait beaucoup d’hémistiches stéréotypés, dont il est difficile aux meilleurs et aux plus soigneux poètes de se défendre, tant la nécessité des coupes et des rimes du vers hexamètre les ramène impérieusement. » Ce vers de huit syllabes, assez dédaigné jadis, presque exclusivement réservé aux bouffonneries et que l’on nommait le vers burlesque, Théophile Gautier s’en est emparé et en a fait le moule de précision où il a jeté sa pensée.

Dans le volume des Émaux et Camées, dans ce volume auquel il l’a travaillé pendant les vingt dernières années de sa vie, il n’a employé, sauf pour trois pièces, que les strophes de quatre vers octosyllabiques à rimes alternées, et en a tiré un parti remarquable. Chacune des cinquante-cinq pièces qui composent ce recueil est un bijou ciselé de main de maître, ciselé avec lenteur, avec prédilection, souvent corrigé, toujours amélioré. Dès qu’il se sentait libre et qu’il avait du loisir — « le loisir, cette dixième Muse et la plus inspiratrice », a-t-il dit —, il se réfugiait en lui-même, se refusant à toute préoccupation inférieure et il reprenait pour lui, pour sa propre jouissance, ce travail de poésie qu’il a tant aimé. Il l’a raconté, précisément dans les Émaux et Camées en termes que je citerai, car ils donnent une idée très nette de la solidité de son vers et du relief qu’il en obtient :

Mes colonnes sont alignées
Au portique du feuilleton ;
Elles supportent, résignées,
Du journal le pesant fronton.