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THÉOPHILE GAUTIER.

Il chante l’amour, les bois, la verdure, le premier rayon de mai ; il a oublié Albertus, et Véronique, et le sabbat, et les dagues de Tolède, et les pourpoints tailladés ; de son vêtement d’emprunt, il n’a rien gardé. Lorsque la vie pèse trop lourdement sur lui, il n’invoque ni les anges, ni les démons, il adresse un hymne au

Sommeil, dieu triste et doux, consolateur du monde.


Ainsi, à l’âge où toute exubérance est permise, où quelque folie même n’est pas déplacée, il fait l’école buissonnière hors du collège romantique, trouve sa voie et la suit imperturbablement. Beaucoup ne l’ont point imité, par cela seul qu’ils étaient loin, très loin d’avoir sa valeur. Ils se sont entêtés dans des formes que l’excès même a rendues immédiatement aussi surannées que les formes empruntées au pseudo-classique ; n’ayant point une pensée qui leur appartînt en propre, ils ont dénaturé les pensées d’autrui qu’ils ne comprenaient pas, ils ignoraient que vouloir être original, quand on ne l’est pas naturellement, conduit au ridicule, et ils ont jeté du discrédit sur le mouvement que Victor Hugo, Lamartine, Alfred de Musset, Théophile Gautier ont fait éclater avec tant de puissance. Gautier a écrit les Grotesques d’autrefois ; si quelque critique avisé veut rechercher les grotesques de la poésie romantique depuis 1830 jusque vers 1845, je lui promets une anthologie qui ne sera pas à dédaigner pendant les jours de spleen.

Dans l’auteur des vers complétant le volume de la