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THÉOPHILE GAUTIER.

différences qu’il y a entre eux a incompatibilité d’humeur ». Bien mieux encore que pour le théâtre, Gautier aurait pu dire : « L’une est l’idée, l’autre est la matière ». Les tendances de l’école romantique en peinture sont nettement indiquées, sans que l’auteur ait paru s’en douter. Albertus est peintre ; on conduit le lecteur dans son atelier, où les toiles ébauchées expliquent les préoccupations qui dominaient alors dans le monde des artistes :

Autour du mur beaucoup de toiles accrochées…
…La Lénore à cheval. Macbeth et les Sorcières,
Les Infants de Lara, Marguerite en prières.

Cela n’a l’air de rien, et c’est beaucoup. L’école de David avait adopté le nu, qui est la créature humaine abstraite, et la draperie antique, qui est le costume abstrait ; c’était d’exécution difficile et l’apprentissage était long. Il est certain que les Thésée, les Achille, les Hector étaient fastidieux quand ils n’atteignaient point la beauté parfaite ; on leur substitua des personnages historiques, légendaires ou romanesques, portant le haut-de-chausses, le pourpoint, la botte montée au-dessus du genou. Il en résulta que le nu disparut, qu’au lieu de peindre l’homme on peignit des étoffes et que l’étude de l’anatomie, à laquelle l’enseignement du dessin donnait tant de soin avant 1830, est actuellement si bien négligée, qu’elle n’existe plus, au grand préjudice de l’art. En résumé, c’est le romantisme qui a remplacé la peinture historique par la peinture