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THÉOPHILE GAUTIER.

seulement contre sa volonté, mais contre le plus impérieux besoin de sa nature. Il ne prisait point si haut l’art des vers lorsqu’il a débuté en 1830, car il fait dans la préface des Poésies une confession à laquelle on fera bien de ne croire qu’à moitié : « L’auteur du présent livre est un jeune homme frileux et maladif qui use sa vie en famille avec deux ou trois amis et à peu près autant de chats ; un espace de quelques pieds où il fait moins froid qu’ailleurs, c’est pour lui l’univers. Le manteau de la cheminée est son ciel, la plaque son horizon. Il fait des vers pour avoir un prétexte de ne rien faire, et ne fait rien sous prétexte qu’il fait des vers. » Allure d’un conscrit de lettres, ne sachant pas encore que la sincérité doit être la première qualité de tout galant homme qui tient une plume : pour se donner quelque importance, le jeune homme de dix-neuf ans feint de ne pas se prendre au sérieux ; c’est naturel, mais il serait mal satisfait si on l’en croyait sur parole.

De ce volume, tombé au milieu de la bagarre soulevée par les ordonnances royales du 25 juillet 1830, il n’y a rien à dire : on ne peut que rappeler la déclaration placée par Alfred de Musset en tête des Contes d’Espagne et d’Italie : « Mes premiers vers sont d’un enfant. « La jeunesse chante instinctivement, comme l’oiseau ; elle s’enivre à sa propre mélodie ; elle en conçoit des espérances qui, le plus souvent, ne tardent pas à être déçues, car ce qu’elle a pris pour des promesses n’est que la voix des illusions. Combien d’adolescents, à peine sortis des langes universi-