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THÉOPHILE GAUTIER.

tiennent et la font valoir. En revanche, il s’amusa — c’est le vrai mot — à mettre ses visions sur la scène, à les environner de l’éclat des décors et des costumes, à y faire agir des groupes de femmes manœuvrant en cadence aux sons de la musique, afin de leur donner l’apparence féerique sous laquelle il les avait aperçues. On dirait que c’est pour matérialiser ses propres rêves qu’il a fait des ballets, Gizelle, la Péri, Sakountala qui n’ont pas été surpassés et qui, jusqu’à présent du moins, semblent être restés des modèles inimitables. Gizelle fut, la première fois, représentée à l’Opéra le 28 juin 1841. Sans insister, j’indique aux futurs biographes de Théophile Gautier que c’est à cette date qu’il conviendra de chercher ce que les Allemands nommeraient le point tournant de son existence.

Critique littéraire, d’art et de théâtre, récits de voyages, contes, romans, nouvelles, comédies et ballets, Gautier a touché à tout avec un talent qu’on ne lui conteste pas ; toujours au labeur et toujours réparant ses forces épuisées. Si on lui eût demandé ce qu’il préférait dans son œuvre, je suis certain que, se souvenant des vers d’Alfred de Musset, il eût répondu :

J’aime surtout les vers, — cette langue immortelle…
J’aime surtout les vers, — ….Elle a cela pour elle
Que les sots d’aucun temps n’en ont su faire cas,
Que le monde l’entend et ne la parle pas.