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THÉOPHILE GAUTIER.

poésie, de fantaisies qui avaient besoin de l’espace pour développer leur vol ; le théâtre existe surtout par l’action, par l’effet issu de combinaisons plus ou moins vraisemblables que des expressions connues, souvent répétées, sorte de lieux communs acceptés, signalent à l’attention et, s’il se peut, aux applaudissements du public. Pour se mouvoir à l’aise dans ce cadre étroit, pour mettre en œuvre la progression des sentiments par une série graduée de faits qui se succèdent, il faut un art particulier, une sorte de don naturel, que la réflexion et l’expérience peuvent accroître, mais que l’on ne saurait acquérir si l’on n’en a trouvé le germe dans son propre tempérament. Or, ce don naturel, Théophile Gautier ne le possédait pas, et je crois que, malgré ses tentatives, il savait à quoi s’en tenir à cet égard. Écoutez-le :

« Le théâtre exclut absolument la fantaisie. Les idées bizarres y sont trop en relief, et les quinquets jettent un jour trop vif sur les frêles créatures de l’imagination. Les pages d’un livre sont plus complaisantes ; le fantôme impalpable de l’idée se dresse silencieusement devant le lecteur, qui ne le voit que des yeux de l’âme. Au théâtre, l’idée est matérielle, on la touche au doigt dans la personne de l’acteur, l’idée met du plâtre et du rouge, elle porte une perruque, elle est là sur ses talons, près du trou du souffleur,

    même commencée. Les vingt-huit vers de la première scène, les seuls qu’il ait écrits, prouvent qu’il avait pris son inspiration dans Eschyle, mais qu’il ne voulait tenter ni une traduction, ni une imitation.