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LE CONTEUR.

une allusion perfide au 2 Décembre et au parjure du président de la République devenu l’empereur Napoléon III. Le cas était pendable. Gautier fut mandé devant quelque procureur impérial qui lui signilia qu’il allait être poursuivi devant le tribunal compétent, ainsi que son éditeur, et que pour eux il y allait de la prison. Gautier, qui n’avait qu’un goût modéré pour le martyre, était consterné et disait : « Sont-ils bêtes, ils veulent m’envoyer à la Bastille ! » Il put, heureusement, démontrer que cette Larme du diable, attentatoire à la sûreté de l’État, n’était qu’une réimpression ; que la première édition avait paru en 1839 sous le régime de la monarchie parlementaire. Dès que l’on eut la preuve que l’allusion déplaisante n’avait pu s’adresser qu’au roi Louis-Philippe, elle ne méritait plus que des éloges et on laissa Gautier en repos ; mais l’alerte lui avait été désagréable et il en a gardé mauvais souvenir.

Quoique Gautier eût excellé dans le dialogue, comme le démontre Une Larme du diable, quoiqu’il ait fait représenter deux pièces et qu’il ait laissé d’importants fragments d’une comédie en vers à laquelle il a travaillé pendant plusieurs années, on ne peut dire de lui, sans forcer la vérité, qu’il ait été un auteur dramatique[1]. Il vivait de rêveries, de

  1. La pièce à laquelle je fais allusion est intitulée : L’Amour souffle où il veut ; d’après un traité signé au mois de février 1850, elle était destinée à la Comédie-Française. Gautier avait eu aussi l’intention de faire une Orestie, il l’a