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THÉOPHILE GAUTIER.

le milieu où s’agitent les acteurs, leur façon d’être est tellement de l’époque déterminée, que l’on croirait parfois lire un fragment de mémoires laissés par quelque cadet du Béarn venu à Paris pour y chercher fortune. Aventures de cape et d’épée, incidents comiques, histrions en voyage, attaques de brigands, coups de rapière, embuscades, enlèvements, générosité, bravoure, chevalerie, comme tout se presse sous la plume de l’écrivain, et concourt à former un ensemble charmant ! Est-ce invraisemblable ? on n’a pas le temps de s’en apercevoir ; c’est presque un conte de fées ; le dénouement le ferait supposer, car les amoureux se marient et la découverte d’un trésor enrichit le héros. C’est une histoire merveilleuse, pleine de verdeur et de jeunesse ; merveilleuse non seulement par les péripéties qui en brodent la trame, mais par le talent qu’il a fallu déployer pour la mettre en œuvre.

Je me figure que, bien souvent, après avoir accompli sa tâche, après avoir pour la cinq centième fois disserté sur le premier vaudeville venu ou loué les sauts de carpe exécutés par une écuyère quelconque, Gautier, rentré dans sa petite maison de Neuilly, a été heureux de se retrouver avec Isabelle et le seigneur de Sigognac ; il les a interrogés, il a écouté leurs confidences, il s’est fait raconter ces beaux combats qu’eût enviés un chevalier de la Table Ronde, et dont le jeune gentilhomme gascon est toujours sorti vainqueur. Sous leur dictée il écrivait avec joie, car si ce n’étaient des vers, c’était de la