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THÉOPHILE GAUTIER.

ment qui les renvoie inassouvis, l’un à la mort, l’autre, à « l’abrutissement voluptueux si cher aux Orientaux ».

En vérité l’Europe, si vieille qu’elle soit, avait mieux à offrir à leur richesse, à leur curiosité, à leur intelligence. Le lecteur perspicace n’en doute point, quoique l’auteur ne l’ait pas dit. Derrière Fortunio on aperçut Gautier, et dans les paroles de cet Hindou désorienté à Paris on voulut voir l’expression des pensées de l’écrivain. Là où il n’y avait que l’œuvre d’une imagination exubérante, parce qu’elle était très jeune, on se plut à signaler une attaque en règle contre la société, et le pauvre Gautier fut traité de Turc à More par des gens qui volontiers eussent proclamé le chevalier de Lamorlière grand maître des élégances. La clameur ne fut point inutile au succès du livre, mais il serait possible que Théophile Gautier en eût été affecté, car, écrivant en 1863 à Sainte-Beuve pour lui donner quelques renseignements demandés, il lui disait : « Fortunio est le dernier ouvrage où j’aie librement exprimé ma pensée véritable ; à partir de là, l’invasion du cant et la nécessité de me soumettre aux convenances des journaux m’a jeté dans la description purement physique ; je n’ai plus énoncé de doctrine et j’ai gardé mon idée secrète[1]. »

Dès 1836, la couverture des livres édités par Renduel annonce : le Capitaine Fracasse. Commencé,

  1. Spoelberch de Lovenjoul, loc. cit., t. I, p. 103.