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LE CONTEUR.

rossignols, les âmes de Palestrina, de Cimarosa et du chevalier Gluck. » C’est fort simple, sans recherche de poésie superflue, sans rien d’excentrique ; la phrase est irréprochable et le style offre déjà ces qualités qui promettent les maîtres écrivains. Je sens bien là le romanesque, mais je n’y vois pas le romantisme, tel qu’on le concevait en 1833. On dirait une protestation ; je suis persuadé qu’elle n’a pas été préméditée, mais elle n’en existe pas moins, d’autant plus nette qu’elle a été spontanée et, pour ainsi dire, inconsciente. À son insu peut-être, Gautier vient de choisir sa voie particulière. Si le Nid de rossignols est un début dans les œuvres d’imagination en prose, ce début ne ressemble guère à celui de Victor Hugo, à ce Han d’Islande qui côtoie de si près le grotesque, qu’il s’y laisse choir plus souvent que l’on ne voudrait.

Cette sagesse, dont Gautier ne se départira jamais, est le résultat de la pondération d’esprit que j’ai constatée et qui fut, quoi qu’on en ait pu dire, un des signes caractéristiques de son talent. C’est par là qu’il se tiendra éloigné naturellement des caricatures et des brutalités, de ce qu’il a nommé lui-même les insanités épileptiques du répertoire des Bouffes-Parisiens et les romans charognes. Comme les sculptures du temple d’Apollon Épicurius, qui représentent le combat des Centaures et des Lapithes, il reste correct, véridique pour ainsi dire, dans la peinture des actes les plus violents. C’est de la sorte que, dans son Voyage en Espagne, il a pu