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THÉOPHILE GAUTIER.

et l’impertinence peuvent faire bonne route ensemble ; je sais bien que le poème d’Albertus, composé sur l’autel même des dieux nouveaux, devait racheter ces peccadilles, mais il était intéressant de constater que, dès le début, Gautier réserve sa prose : c’est un allié et non pas un homme lige.

Les différentes nouvelles dont la réunion forme le volume des Jeune-France ne sont sans doute qu’un de ces accès de gaieté et de bouffonnerie qui éclatent dans la jeunesse comme la floraison du printemps, car c’est l’âge heureux où l’on rit pour rire, de tout, des autres et de soi-même. On peut donc croire que si Gautier traite un sujet, à la fois doux et triste, qui porte en soi une apparence légendaire, il le traitera à la mode romantique, avec quelques grincements de dents et un peu d’épilepsie. Le premier conte qu’il emprunte à sa propre fantaisie date de 1833 ; c’est la première perle de ce chapelet littéraire qu’il doit égrener d’une main à la fois si sûre et si élégante : le Nid de rossignols ; qui ne s’en souvient ? Deux sœurs jeunes et belles ont pour la musique un amour exclusif, servi par une voix merveilleuse ; elles luttent contre un rossignol qui expire de jalousie, en leur confiant son nid où trois oisillons réclament la becquée. Les rossignolets sont adoptés par les deux chanteuses, qui, elles aussi, meurent épuisées par leur passion, en modulant un chant d’une beauté surhumaine, que les petits rossignols recueillent pour aller le répéter devant le trône éternel. « Le bon Dieu fit plus tard, avec ces trois