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THÉOPHILE GAUTIER.

cise. Il était voyageur, conteur, poète : la nécessité, je le répète, fit de lui un critique ; métier fort honorable assurément, mais qui ne convenait pas à sa nature ; il l’a assez dit pour que l’on n’en puisse douter ; à cause de cela même, il a exercé ce métier avec une bienveillance que l’on a qualifiée de banalité. On eût mieux fait de dire que l’insignifiance de la plupart des œuvres dont il eut à parler — de combien parle-t-on encore ? — était telle, qu’il lui était indifférent de les louer ou de les blâmer. Il penchait vers l’éloge, entraîné par sa mansuétude et aussi par cet esprit de justice que j’ai signalé en lui ; il tenait compte de l’effort, il redoutait le préjudice que des observations sévères quoique justifiées eussent pu causer ; il émoussait sa plume et n’avait souvent que de l’indulgence quand il eût été en droit de morigéner. Ceux-là mêmes qui ont profité de sa bienveillance s’en sont raillés et l’ont accusé de manquer de caractère ; ils étaient ingrats, ce qui leur était naturel, mais ils ont formulé un arrêt dont l’iniquité est flagrante. En ce qui touche ses convictions d’artiste, Gautier était un intransigeant ; il ne fit jamais de concessions aux modes littéraires du jour ; il admettait, sans réserve, les théories romantiques ; il se les appropria, il les mit au service de son originalité, qu’elles développèrent ; mais il n’en prit, dans la pratique, que ce qu’il lui convenait d’en prendre. Il resta ce qu’il voulut être, le chevalier errant de la littérature nouvelle, sans autre attache que l’admiration pour le général en chef et la sympathie pour