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THÉOPHILE GAUTIER.

C’est qu’en effet Théophile Gautier, que l’on se plaisait à comparer à un Turc, à un Hindou, parce que l’on se méprenait à son indolence apparente qui cachait une rare acuité de rêverie, n’était ni Hindou, ni Turc ; il était bien plutôt Grec, Grec de la grande période, de cette époque dont la lumière n’est pas éteinte, car elle éclaire encore l’humanité. Depuis son voyage en Grèce, dans ses causeries intimes, Gautier, lorsqu’il était en humeur de croire à la transmigration des âmes, affirmait parfois avoir vécu à Athènes, au siècle de Périclès ; il racontait ses conversations avec Eschyle, avec Aristophane qui, disait-il, était triste comme tous les comiques ; il démontrait qu’Aspasie méritait peu sa réputation, et il se souvenait de s’être ennuyé au banquet qu’a immortalisé Platon. Il disait cela avec ce sourire à peine ébauché qui décelait parfois tant de sous-entendus. Était-ce un paradoxe ? Je n’en sais rien ; car son imagination était assez puissante pour lui faire illusion.

La vue du Parthénon lui révéla ce qu’il avait en vain cherché dans bien des pays et dans bien des manifestations de l’art : le beau abstrait. Il n’eut pas à se convertir : il reconnut son dieu, et l’adora.