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THÉOPHILE GAUTIER.

perdit rien. Au lieu de faire un nouveau volume avec ce voyage, il dut se contenter de quelques articles sommaires qui ont été réunis à d’autres dans l’Orient[1].

Un de ces derniers voyages exerça sur lui une influence extraordinaire qu’il n’avait point prévue. Après avoir visité Constantinople, qui le dérouta un peu et ne lui plut que médiocrement, sans doute à cause des inquiétudes morales dont il y fut assailli, il s’arrêta à Athènes, y resta quatre jours, reprit sa route vers Venise, sa chère Venise, tant admirée, tant aimée, tant regrettée, et s’y reposa. Dès le surlendemain de son arrivée, il écrivit à Louis de Cormenin une lettre que j’ai sous les yeux et où je copie le passage suivant, qui est le témoignage de la loyauté d’un artiste incapable de tromper les autres en essayant de se tromper lui-même : « Athènes m’a transporté. À côté du Parthénon tout semble barbare et grossier ; on se sent Muscogulge, Uscoque et Mohican en face de ces marbres si purs et si radieusement sereins. La peinture moderne n’est qu’un tatouage de cannibales et les statues un pétrissage de magots difformes. Revenant d’Athènes, Venise m’a paru triviale et grotesquement décadente. Voilà mon impression crue. » Cette impression, il en a plus tard adouci la formule, tout en la maintenant, lorsqu’il a dit dans son autobiographie : « J’aimais beaucoup les cathédrales, sur la foi de Notre-Dame de Paris, mais la vue du Parthénon m’a

  1. L’Orient, 2 vol. } Charpentier, t. II, de 91 à 228.