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THÉOPHILE GAUTIER.

mur. » Là encore, la note est juste : à l’étranger, et si bien que l’on y soit, tout ce qui rappelle la patrie trouble le cœur et mouille les paupières.

Gautier ne s’était pas trompé ; le goût des voyages s’était empare de lui, goût tyrannique qui est une sorte de nostalgie à l’envers et qui devient une souffrance aiguë lorsqu’il n’est point satisfait. Aussi dès qu’il « avait réuni quelque somme », il partait. En 1845 il parcourut l’Algérie ; de cette excursion devait résulter un livre écrit et « illustré » par lui ; il y travaillait, lorsque la révolution de Février, mettant son éditeur en faillite et en politique, interrompit l’œuvre qui n’a jamais été reprise et dont il n’a paru que quelques fragments. Si, comme l’a écrit Gautier, son entrée au journal la Presse, en 1836, mit fin à sa vie indépendante, on peut affirmer que la révolution de 1848 a tué la tranquillité de son existence. C’est à partir de cette heure, en effet, que les difficultés s’accumulent autour de lui et l’étreignent si étroitement, que plus d’une fois il y faillit succomber. À force de patience et grâce à un labeur assidu, il avait vaincu la mauvaise fortune ; il sortait de la fondrière où il s’était si longtemps débattu, il en était sorti, lorsque la révolution du 4 septembre 1870 l’y replongea de nouveau. Douloureuse ironie du sort qui frappe par la politique un homme auquel la politique a toujours été si indifférente, qu’il n’a peut-être pas connu le nom des ministres de son temps. Peu de mois avant sa fin, alors qu’il était affaissé sous le poids de sa propre ruine, il s’écria : « Je suis une