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THÉOPHILE GAUTIER.

George Sand. Rousseau aime à « planer des yeux sur l’horizon de ce beau lac, dont les rives et les montagnes qui le bordent enchantaient sa vue ». Il ne peut se débarrasser d’une certaine philosophie grognonne et « poseuse » qui finit par devenir insupportable, car elle est voulue et fait partie du bagage de la sensibilité qu’il avait mise à la mode : « J’avais pris l’habitude d’aller les soirs m’asseoir sur la grève, surtout quand le lac était agité. Je sentais un plaisir singulier à voir les flots se briser à mes pieds ; je m’en faisais l’image du tumulte du monde et de la paix de mon habitation. » Chez Théophile Gautier, rien de semblable ; il est bien trop sincère pour ne pas rejeter ce fatras de rhétorique auquel l’auteur ne croit pas et que le lecteur ne croit pas davantage. Toute déclamation lui est inconnue, et l’on n’en peut trouver trace dans ses livres ; il ne pleure pas sur les ruines, un arbre brisé par l’orage ne lui rappelle pas la fragilité de la vie humaine et il peut regarder couler une rivière sans la comparer à la fuite des jours. On comprend que le lieu commun lui est odieux et que la platitude l’exaspère ; il en paraîtra sans doute paradoxal à quelques lecteurs, mais cuistre, jamais.

« Je m’assure que ceux qui n’ont pas tant voyagé que moi et qui ne savent pas toutes les raretés de la nature, pour les avoir presque toutes vues comme j’ai fait, ne seront point maigris que je leur en apprenne quelque particularité. La description des moindres choses est mon apanage particulier ; c’est