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LE VOYAGEUR.

Haussmann et à Ferdinand Duval, ne s’en doutent pas ; mais pour se convaincre ils n’ont qu’à lire la succincte description du Paris d’autrefois écrite par Théophile Gautier lui-même, dans la notice nécrologique qu’il a consacrée au romancier le plus populaire de ce temps-là, à Paul de Kock[1].

Emprisonné dans cette existence conventionnelle où les décors de l’Opéra éclairés aux quinquets remplaçaient la placidité des paysages lumineux, n’ayant jamais vu de véritables forêts, de vraies montagnes, de vraies plages, de vraies mers, Gautier, bercé par la permanence de sa rêverie, s’était créé une sorte de nature imaginaire dans laquelle son esprit se complaisait d’autant plus qu’elle était plus invraisemblable ; au gré de sa fantaisie, il y faisait mouvoir les personnages de Watteau et de Boucher. Je crois qu’il est remonté plus loin que la régence et le rococo. Volontiers, guidé par Honoré d’Urfé, il a dû suivre la belle Diane de Chateaumorand qui, cachée sous le nom d’Astrée, enchantait le pays qu’arrose le Lignon « C’est un pays charmant que celui-là et que je regrette fort pour ma part. Les arbres y ont des feuillages en chenilles de soie vert-pomme, les herbes y sont en émail et les fleurs en porcelaine de Chine ; des nuages en ouate bien cardée flottent mollement sur le taffetas bleu du ciel. » Le bizarre et le recherché n’étaient pas pour lui déplaire ; le factice

  1. Portraits contemporains, par Th. Gautier. 1 vol.  Charpentier, Paris, 1886, p. 127 et suiv.