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LE VOYAGEUR.

de dissensions politiques, il arrive souvent que les toreros christinos ne vont pas au secours des toreros carlistes, et réciproquement. » C’est tout.

Laisser de côté la technologie archéologique que « les moyenâgeux » s’efforçaient de parler, dédaigner les théories historico-politiques inspirées par un voyage en pays étranger, c’était, à cette époque, faire acte d’indépendance. Que l’on ne s’y trompe pas, Gautier rompait en visière à l’école et sortait une fois de plus du sanctuaire. Il répudiait l’esprit d’imitation et saisissait sa propre originalité, sans emprunt à autrui, sans réminiscence d’une maîtrise admirée. Il était d’usage alors de gravir la montagne romantique, de s’arrêter sur le sommet et de laisser tomber sur les nations un regard d’ensemble d’où résultait un nouveau discours sur l’histoire universelle. Edgar Quinet, dans son Ahasvérus — qui est peut-être l’œuvre la plus lyrique et la plus forte du romantisme — se souvient des drames d’Eschyle et d’Aristophane et, intervenant par un chœur de vieillards, à la fin de la Seconde Journée, il trace à la France le rôle qu’elle doit jouer non seulement en Europe, en Orient, mais en Amérique ; il évoque les hommes de Lodi, de Gastiglione, de Marengo, « et demain et, toujours faites tourner autour de vous la ronde des nations sous l’harmonie de votre ciel ». Victor Hugo termine le Rhin par une conclusion qui est un livre à part ; rien ne lui échappe ni des choses d’hier ni de celles de demain ; il refait l’histoire, un peu à sa guise, par larges envolées : il tire d’énormes consé-